mardi 26 novembre 2013

Un château pour Frida


Bien souvent, l'origine d'une collection prend racine à travers l'esprit d'une égérie. Une muse, une âme, une allure. Aujourd'hui, en vue de l'exposition actuelle consacrée au couple Kahlo/Rivera au Musée de l'Orangerie, j'ai choisi de vous faire part de la collection d'une amie, inspirée par la nymphe Kahlo. 


Avant même d'être une artiste, Frida Kahlo est un personnage. Un personnage militant et empreint d'une souffrance qu'elle aura naturellement retranscrit dans ses œuvres.
Née en 1907 à Coyoacan, elle est atteinte d'une poliomyélite très jeune, lui atrophiant la jambe droite. En 1925, Frida est victime d'un accident qui lui causera de multiples fractures (dos, clavicule, bassin, côtes, et à nouveau jambe droite). Un traumatisme responsable de son syndrome d'Asherman qui lui provoquera de fausses couches et son impossibilité d'enfanter. C'est pendant sa convalescence qu'elle commencera à peindre. Une peinture chargée de toutes ces douleurs physiques et psychiques. Pour l'aider, ses proches installent alors un miroir pour ciel au-dessus de son lit baldaquin. Un élément probablement déclencheur de sa longue série d’autoportraits. C'est son père, peintre et photographe, qui l'aura initié à la pratique.

Chargée de valeurs anti-conformistes depuis son jeune âge, Frida s'engage au Parti communiste mexicain en 1928, militant pour l'émancipation des femmes au sein de la société mexicaine encore très machiste. En soif de liberté, la rebelle affichera ouvertement son dessein de femme moderne entre études et voyages. Elle rencontre par la suite l'artiste peintre Diego Rivera, avec qui elle découvre qu'elle est capable de passion. Ensemble, ils déploieront un attachement viscéral à leurs terre mexicaine autour de peintures aux notions de cycle de vie et de mort, de révolution, de religion, de réalisme et de mysticismeIls habiteront quelques années aux Etats-Unis où Kahlo peindra des tableaux traduisant sa lassitude et son dégoût pour ce pays de "gringos", avant de retourner vivre dans la Maison Bleue de Coyoacan. Au fil de ses rencontres, l'artiste réalisera nombres d’œuvres -souvent des autoportraits- de remerciement pour les personnes qui l'auront aidé. Elle participera également à quelques représentations artistiques où sa virulence et ses ardeurs -envers la France notamment- ne laisseront pas de marbre. 

"Ils pensaient que j'étais une surréaliste, mais je ne l'étais pas.
Je n'ai jamais peint de rêves, j'ai peint ma réalité."

A la suite d'une gangrène et d'une pneumonie -comme si cela ne suffisait pas- l'artiste mourra d'une embolie pulmonaire le 13 juillet 1954. Si ses proches envisagent le suicide, son dernier tableau détient tout de même les mots "Viva la Vida". C'est avec regret que la sphère mexicaine a vu partir son personnage artistique le plus fort et militant du siècle.

Aujourd'hui encore, les hommages ne cessent de lui être fait, entre expositions et retranscriptions artistiques. Ce personnage haut en couleurs a notamment inspiré le projet de mon amie, Anne De Badts De Cugnac, jeune diplômée en stylisme du vêtement de l'Ecole Supérieure des Arts St Luc de Tournai, en Belgique.

Pour sa collection de fin d'année,  Anne s'est inspirée d'un château abandonné, qui, à la suite de sa visite, s'est embrasé; laissant derrière lui tout un symbole de mysticité. Au sein de cette architecture royalesque, des notions de "trompe-l’œil" et de "passé-présent" émergeaient. Mais quel personnage pouvait bien vagabonder dans les couloirs de ce château devenu imaginaire? 
Vouant un culte particulier aux autoportraits de Frida Kahlo depuis quelques années, la créatrice en devenir n'eu pas grande difficulté à définir sa muse. Tout dans ses tableaux l'inspirait: le style semi réaliste-baroque, les couleurs bleutées-turquoises, les motifs et ornementations florales... Un goût qu'elle partagera notamment à travers des imprimés de vitraux référant à l'architecture du château, ponctuant l'ensemble de sa collection. 

Mais au-delà de l'inspiration formelle de ses peintures, Frida représentait pour elle une réelle élégance. Sa vision de la féminité dans tous ses apparats. 
Marquée au fer rouge d'une histoire pleine de souffrance, l'artiste reflète ainsi l'image d'une femme empreinte d'un caractère fort et d'une allure déterminée
Une égérie de rigueur pour porter sur ses épaules la force de l'ouvrage d'une jeune femme à la créativité débordante. Autant dire une pointure en la matière. 

Oui, Anne, parce que Frida, c'est un peu toi. 

Frida Kahlo/Diego Rivera "L'art en fusion" 
au Musée de l'Orangerie jusqu'au 13 janvier 2014
Jardin des Tuileries, Paris 1er