jeudi 21 novembre 2013

St Nicolas - Dolce & Gabbana : La dégaine religieuse

Dans un contexte fragile où l’évoquer entraine de nombreux scandales et manifestations, la religion n’a jamais cessé de nourrir l’imagination d’artistes et créateurs. Aujourd’hui, la mode semble être un des derniers milieux qui puisse encore se permettre d’utiliser les symboles religieux de manière sereine. Pour cela, elle tire son inspiration des plus anciennes représentations de la vie de Dieu à travers des lieux de culte étonnamment bien conservés.  

Et je ne peux commencer cet article sans parler de la polémique actuelle autour de la Basilique Sainte Sophie. Dernier élément de conflit entre la Turquie et la Grèce, cette dernière serai menacée d’être reconvertie en lieu de culte musulman par Bülent Arinçvice -Premier ministre du gouvernement islamo-conservateur turc. Édifiée au VIe siècle par l'empereur Justinien, la bâtisse fut le siège du patriarche orthodoxe de Constantinople. Elle sera reconvertie en mosquée au XVe siècle et fait office de musée depuis 1934. A l’heure où ce bijou architectural fait parti d’un patrimoine religieux ancestral, le changement qui lui est envisagé paraît absolument saugrenu, et pourtant pas si inimaginable… 

Mais venons-en aux faits. Les lieux de cultes nous entourent de toutes parts et regorgent de richesses et de mystères indétrônables. Si aujourd’hui je vous fais par de cette inspiration, c’est qu’elle a particulièrement retenu mon attention lors de mon dernier séjour, à Prague. Au-delà de la Cathédrale Saint-Guy au cœur du château royal, j’ai pu y découvrir les splendeurs de l’église Saint-Nicolas, quartier Mala Strana. Entreprise par le grand Krištof Dientzenhofer en 1702, cet édifice historique est empreinte de toutes les caractéristiques du style « baroque radical » de Bohême. Un courant très justement représenté par cette succession dynamique de balancements de formes convexes puis concaves créant l’effet d’ondulation. Mais ce qui m’y aura sans doute le plus surpris, c’est l’exubérance de l’ornementation. Une richesse décorative raffinée par un jeu d’ombres et lumières complétées par le spectacle des roses poudrés et violents dorés.  Quant à la voûte, une grande fresque en trompe-l’œil représentant l’Apothéose de Saint Nicolas, figure comme la plus grande de ce type en Europe avec ses 1500 m². On pourrait presque encore y sentir l’âme de –Wolfgang Amadeus- Mozart en regardant l’orgue immense sur lequel il a joué. 



Une mélodie entrainant également l’inspiration chez nombre d’artistes et créateurs. Dolce & Gabbana notamment. Pour leur collection automne-hiver 2013/2014 (oui on est toujours dans le coup malgré tout !) les créateurs misent encore une fois sur le paradoxe provocant de la passion confronté à la religion
Si les couturiers Français restent subtils en la matière…dans un pays aussi pieux que l’Italie, on ne cesse de célébrer le divin, à le rendre presque tangible.
Inspirés par l’art religieux Byzantin, et particulièrement par la Cathédrale de Monreale en Sicile,  Stefano et Domenico nous révèlent ici une collection Baroque pleine de luxe et de prestige. Une série de pièces particulièrement élégantes où robes en soie imprimées d’icônes et mosaïques tranchent singulièrement avec mini-culottes, pour le coup, pas très orthodoxes. On craque aussi pour leur série de robes de dentelle en rouge cardinal, toujours sagement ponctuées de bijoux en croix. Une vision plutôt romantique de l’Eglise catholique, loin du clinquant des scandales contemporains. Car Dolce & Gabbana ne sont pas les seuls à avoir soulevé cette référence. 
En matière de mode, on se rappelle des shows surprenants de Hussein Chalayan mais aussi Dior, YSL, et Gaultier, ayant chacun réinterprété le voile comme symbole religieux, libre d’être considéré comme chrétien ou musulman.  
Quant au domaine de l’art, il est si large que je terminerais simplement par un clin d’œil à la campagne de publicité Marithé & François Girbaud de 2005. Cette mise en Cène du célèbre tableau de Léonardo da Vinci -réinterprétée par la photographe Bettina Rheims- ayant suscité tant de débats et contestations. Aujourd’hui, si l’on en avait vu d’avantage des comme ça, la marque n’en serai peut-être pas là*.
Une manière de soutenir les riches principes d’une équipe ayant l’âme en peine. 

Amen
*un prochain article développera sans doute l’actualité des Girbaud.

Eglise Saint Nicolas- Malostranské Namesti, Mala Strana, 
Prague, République Tchèque